Ophélie
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir
Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Roman
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, la ville n'est pas loin
A des parfums de vigne et des parfums de bière.
Départ
Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs. Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions ! Départ dans l'affection et le bruit neufs !
Le bateau ivre
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau. Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses n'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes, moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur qui porte, confiture exquise aux bons poètes.
L'étoile a pleuré rose
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mannes vermeilles
Et l'homme saigné noir à ton flanc souverain.